mardi 15 mai 2007

2007 Daba: Appel au partis pour promouvoir la participation des femmes à la politique

Suite à la rencontre du 24 avril 2007 entre femmes parlementaires marocaines et étrangères, associations féminine, chercheurs et de représentants ministériels, l'association 2007 Daba lance aujourd'hui cet appel aux partis politiques. Ce texte est l'aboutissement des débats menés lors de cette rencontre.

« En quête de justice dans un monde d'inégalités »

Préambule

Sans la participation des femmes, la démocratie est inconcevable. Tel est le crédo de 2007 Daba. La journée « Femmes parlementaires », tenue le 24 avril 2007 et qui a connu la participation de la Syrie, la Mauritanie, la France, le Rwanda, l’Espagne, la Suède ainsi que l’UNIFEM et la Banque Mondiale, le Secrétariat d’Etat à la Famille, le Ministère des Finances, le Ministère de la Justice, des femmes parlementaires marocaines, des associations féminines, des chercheurs, des femmes et des hommes « en quête de justice dans un monde d’inégalités », pour reprendre l’expression de l’Institut de Recherche des N.U sur le Développement Social, s’inscrit dans un programme de vaste envergure pour promouvoir l’égalité hommes-femmes et contribuer à une forte participation des femmes à la gestion des affaires publiques.
2007 daba et le « Mouvement pour le 1/3 des sièges élus vers la parité », tout en relevant les avancées notables en matière de reconnaissance des droits des femmes, au regard des expériences que nous avons écoutées dans ce séminaire, estiment que beaucoup de chemin reste à faire.
Les chiffres des élections de 2002 et 2003 en témoignent : 10,8 % de femmes parlementaires et seulement 0,54 % d’élues communales.
Pour pallier à ce déficit, et compte tenu des enjeux de la problématique de « la participation des femmes à la politique », qui est une bataille non seulement des femmes mais aussi des hommes pour l‘égalité, la démocratie et la justice sociale, 2007 daba en partenariat avec le « Mouvement pour le 1/3 des sièges élus vers la parité », adresse le présent appel aux partis politiques qui a été conjointement initié il y a de cela près de deux mois et que vient d’enrichir le débat de ce jour :

Appel aux partis politiques

En dépit des efforts accomplis, le Maroc est loin de satisfaire à l’exigence de marquer une rupture avec la pratique et la culture de la domination masculine, en particulier dans le domaine de la représentation politique. Il est par conséquent nécessaire qu’une initiative conséquente des partis politiques soit entreprise pour aller de l’avant.
Si le Maroc, en 2002, a ouvert la voie dans le monde arabe au recours à la liste nationale comme mesure de renforcement de la représentation parlementaire des femmes, l’exemplarité marocaine est dépassée par l’évolution récente dans le monde arabe et l’Afrique. Les partis politiques marocains ont contribué, à un certain degré, à l’évolution en matière d’intégration politique des femmes, mais force est de constater qu’aucun effort n’a été fait à la veille des élections législatives de Septembre 2007 pour accroître la représentativité des femmes.
Les partis politiques marocains sont restés profondément ancrés dans leur pratique et leur culture de domination masculine. Déjà en 2002, la proposition d’inscrire dans la loi le principe du quota sous la forme d’une liste nationale réservée aux femmes s’est heurtée à l’argument juridique, avancé par certains partis, de son anti-constitutionnalité. Le principe de la liste nationale a juste été tolérée avec pour seule garantie un pacte d’honneur auquel les partis ont adhéré et auquel ils se sont conformés lors des élections de septembre 2002.
Mais pour la constitution des listes locales, les femmes se sont heurtées fortement à l’opposition des membres masculins de leurs partis. Peu de femmes ont été classées en tête de listes ne donnant ainsi qu’à cinq femmes la possibilité d’être effectivement élues.

Le déficit de représentation des femmes à l’échelle mondiale ne peut constituer un alibi pour le Maroc qui se situe à la 6ème position dans le monde arabe après l’Irak avec 25,5%, la Tunisie avec 22,8%, la Mauritanie avec 20,9%, la Syrie avec 17,8% et le Soudan avec 12%. Nous sommes très loin des pays nordiques ou du Rwanda dont le témoignage a été édifiant : l’expérience rwandaise est allée au-delà du quota de 30% institué pour atteindre une représentation féminine qui dépasse les 49% et devrait , de ce fait,constituer un exemple à suivre pour le Maroc.
Considérant que :
  1. Les élections de 2007 constituent une étape importante pour l’ancrage des pratiques démocratiques dans la vie politique du pays ;
  2. que la marginalisation des femmes du champ politique est préjudiciable au développement de la démocratie ;
  3. que la présence des femmes dans les instances politiques reste en deçà des attentes et revendications des hommes et des femmes démocrates ;
  4. que le décalage entre le pourcentage des candidatures féminines et celui des élues indique une résistance culturelle des partis qui n’adoptent pas les mesures requises pour veiller à une représentation plus adéquate des femmes
  5. que la représentativité des femmes dans les élites politiques nationales est loin de refléter la proportion démographique et la mesure de leur contribution économique.
Compte tenu de ce qui précède, et du rôle primordial attendu des partis politiques dans l’atteinte de l’objectif de la parité , nous appelons les partis politiques à :

  1. S’assigner comme objectif immédiat le seuil minima de 30% de représentation politique féminine comme condition nécessaire pour obtenir des effets tangibles sur la condition des femmes dans la société.
  2. Placer des femmes candidates aux élections en tête de listes ou dans des positions éligibles.
  3. Présenter des femmes candidates dans des circonscriptions gagnables.
  4. Contribuer, par la volonté politique et les propres initiatives des partis, à renforcer la représentation politique des femmes et à jouer le rôle de « locomotive » d’un développement politique sensible au « genre ».
  5. Assurer aux candidates une formation les habilitant à l'engagement politique et électoral.
  6. Œuvrer pour que des mesures d'actions affirmatives ne restent plus tributaires du simple engagement moral et politique des partis politiques mais soient institutionnalisées dans les lois et mécanismes électoraux et introduire à la faveur d’une révision de la Constitution, une disposition qui reconnaît au législateur le droit de recourir à des mesures de nature à favoriser la concrétisation de l’égalité entre les femmes et les hommes de manière à rendre juridiquement contraignante par la loi l’éligibilité des femmes dans les listes présentées par les partis politiques, sous la forme par exemple de listes mixtes, alternées (une femme/un homme ou un homme/une femme) ou sous forme d’un quota de candidatures féminines en position d’éligibilité sur une liste électorale.
  7. Contribuer activement à ce que le Maroc lève toutes les réserves concernant la convention CEDAW qui préconise l’adoption de toutes mesures appropriées, y compris des dispositions législatives, pour éliminer la discrimination à l’encontre des femmes dans la vie politique et publique du pays. Nous rappelons à ce propos que la CEDAW recommande « l’ action affirmative » (« discrimination positive ») comme une étape vers l’égalité des chances.
  8. Enfin et de manière générale, les partis politiques sont appelés à promouvoir une démocratie interne participative, soucieuse du genre et acquise à l’objectif de la parité. A cette fin, les partis politiques devraient favoriser et institutionnaliser en leur sein l’existence d’une forme d’expression de leur composante féminine porteuse d’une exigence spécifique de démocratisation.

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