mardi 6 septembre 2011

L'homosexualité en Afrique

La revue Politique Africaine prépare un numéro sur l'homosexualité dans l'espace public.

Si les pratiques homosexuelles existent probablement de longue date en Afrique, c’est seulement récemment que, dans différents pays, l’homosexualité a émergé dans l’espace public. Pendant longtemps, en effet, a dominé l’idée pourtant fausse d’une Afrique purement hétérosexuelle. L’histoire de la recherche et des mobilisations collectives liées au sida atteste à elle seule de la force de cette occultation, la question de la transmission homosexuelle du VIH en Afrique n’ayant pas été posée pendant les vingt premières années d’épidémie.

Sans doute peut-on voir dans les événements politiques survenus en Afrique du Sud durant les années 1990 l’un des déclencheurs de cette séquence historique récente de publicisation de l’homosexualité, marquée par l’émergence de controverses politiques ou médiatiques et de mobilisations collectives. En devenant en 1996 le premier pays au monde à proscrire toute discrimination liée à l’orientation sexuelle dans sa Constitution, avant de légaliser le mariage homosexuel dix ans plus tard, l’Afrique du Sud rendait visible l’existence de l’homosexualité sur le continent, par l’entremise du débat et de la décision politiques. En même temps que cette reconnaissance et que les mobilisations qui lui avaient préexisté en Afrique australe, des manifestations publiques d’hostilité faisaient leur apparition dans la région, à commencer par les déclarations célèbres du Président du Zimbabwe, en 1995, qui reprochait aux homosexuels de se comporter de manière pire que des chiens ou des porcs et en appelait aux valeurs africaines traditionnelles contre la visibilité ou la mobilisation homosexuelles.

Au cours de la décennie 2000, le voile a continué d’être levé sur l’homosexualité en Afrique, au travers des recherches qui se sont multipliées, des mobilisations qui ont émergé, mais aussi et surtout des événements qui ont parfois précipité le débat public autour de controverses médiatiques retentissantes, comme par exemple en 2006 au Cameroun et en Ouganda, ou en 2008 au Sénégal. De cette série de scandales publics a découlé une vision catastrophiste du continent conforme à celle, plus générale, que l’on range sous le vocable d’« afro-pessimisme ». En quelques années, l’Afrique est devenue le continent « homophobe » par excellence, dont il est souvent rappelé que plus de la moitié des pays condamne légalement l’homosexualité (par la peine de mort dans quatre d’entre eux), la thématique n’étant généralement évoquée qu’au travers de faits de violence et de drames : assassinats, emprisonnements, viols correctifs, campagnes médiatiques ou adoption de lois contre les homosexuel-le-s, prévalence considérable du VIH dans cette population, etc.

L’objectif de ce numéro est de rendre compte des conditions, des formes et des enjeux de la publicisation progressive de la question homosexuelle dans maints pays d’Afrique, en dépassant une vision trop exclusivement catastrophiste, sans pour autant nier les problèmes qui existent. Les propositions d'article, d’une page maximum, sont à envoyer à Christophe Broqua (broquachristophe@yahoo.fr) jusqu’au 30 septembre 2011. Les articles acceptés seront attendus pour le 15 décembre 2011 et le dossier paraîtra en juin 2012.
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