http://www.genreenaction.net Une fois de plus, l'édito est particulièrement rafraîchissant! Un bon week-end à tous!
Du genre et du bonheur
Vous les connaissez sans doute, ces scènes dans les formations sur le genre avec un public venu un peu en reculant (parce que le bailleur impose du genre ou un axe de l’orientation institutionnelle le prévoit…), ou quand on vous contacte pour donner des conseils (pour ne pas dire des recettes) en matière de genre, ou au cours de ces réunions où vous êtes Mme ou M. « genre » (autrement dit, la bonne conscience collective en matière de genre et surtout la bonne excuse pour que tous les autres ne se mettent pas au genre…) – à un moment donné, quelqu’un dit tout haut (en commençant bien entendu par la rhétorique tant usée « Je ne suis pas contre le genre, mais… ») ce que beaucoup pensent tout bas : POURQUOI en fait faut-il faire du genre ? POURQUOI lutter contre ces inégalités dont pâtissent certes avant tout les femmes, alors qu’il y a tellement de problèmes plus pressants ? POURQUOI faire du genre une cause universelle, POUQUOI mettre en question des manières ancestrales de faire fonctionner des sociétés, POURQUOI ajouter encore un truc en plus alors que les projets sont déjà assez compliqués avec l’approche participative, l’environnement, l’effet multiplicateur, la viabilité, etc. ?
Vous sortez alors des réponses de votre chapeau, le plus souvent des variantes de l’une ou de l’autre de la panoplie suivante :
- parce que les droits des femmes sont des droits humains (pour ne pas dire « de l’Homme », voire « de l’homme », encore trop répandu…) comme les autres et méritent un respect universel ;
- parce que les « pauvres » et tous les autres groupes vulnérables ne sont pas composés d’asexués, ni d’hermaphrodites, mais de femmes et d’hommes et même à l’intérieur de chacun de ces groupes, on constate pratiquement toujours que les femmes sont encore plus vulnérables que les hommes du même groupe, qu’elles ont des besoins et des contraintes différents de ceux des hommes ;
- parce que les rôles socialement construits nous enferment toutes et tous dans des stéréotypes, réduisant plus ou moins fortement nos possibilités de choisir, limitant ainsi notre épanouissement individuel et collectif – en revanche, oser déconstruire le socialement construit peut faciliter l’accès à cette liberté de choix qu’Amartya Sen assimile au développement ;
- parce qu’il est important de dépasser les lacunes des approches axées uniquement sur les femmes, que les hommes aussi doivent être préparés et accompagnées dans les évolutions vers plus d’égalité, dans la mutation de l’identité masculine vers moins de machisme, moins de prédominance de la virilité agressive – changements qui apportent aussi une chance pour eux ;
- parce que les projets marcheront mieux et auront plus de chances d’être viables si les femmes y jouent un rôle actif.
Quelle surprise alors d’entendre Isabelle Rauber d’Argentine lors d’une conférence à Amsterdam l’autre jour répondre à cette question tout autrement. Elle parlait en espagnol (avec traduction en anglais) devant une assistance entièrement conquise au genre (si, si, ça existe, même si c’est plus rare en milieu francophone…) et son exposé était renforcé par un Power Point en anglais. Elle parlait du genre dans les mouvements sociaux latino-américains et abordait tout d’un coup cette épineuse question du POURQUOI, en insistant que toute cette lutte n’était pas une fin en soi, mais… Changement de diapositif et la-voilà, cette réponse si inattendue et évidente à la fois, ces mots si simples et si étonnants sur un diapositif Power Point (utilisé aujourd’hui dans les sphères académiques si souvent pour éblouir l’auditorium avec le condensé de la science infuse…) : « To be happy » !
« Si », elle disait, « ¡ es muy importante ! ». Les luttes des femmes ont tellement été marquées par des souffrances, des pleurs et des renoncements qu’il ne faut pas oublier que notre but est avant tout d’être heureuses (et heureux) !
Moment émouvant dans une conférence à contenu par ailleurs souvent abstrait et conceptuel (que je partagerai davantage dans un prochain bulletin papier), la petite introspection individuelle gagnait les rangs, chacune et chacun (2 hommes pour une quarantaine de femmes, comme d’habitude…) se posant tout d’un coup la question : « c’est pour ça… ? ». Certaines riaient, d’autres avaient le regard fiché et restaient bouche-bé, encore d’autres avaient les yeux qui brillaient… d’une manière ou d’une autre tout le monde était touché.
Voilà de quoi vous inviter à une petite introspection à votre tour – ça ne fait pas mal, ça ne fait pas de mal, et ça nourrit pas mal la réflexion sur soi, le bonheur et le genre, je vous assure.
Gracias, Isabelle, et vive le bonheur !
Elisabeth Hofmann
(coordinatrice)
Vous sortez alors des réponses de votre chapeau, le plus souvent des variantes de l’une ou de l’autre de la panoplie suivante :
- parce que les droits des femmes sont des droits humains (pour ne pas dire « de l’Homme », voire « de l’homme », encore trop répandu…) comme les autres et méritent un respect universel ;
- parce que les « pauvres » et tous les autres groupes vulnérables ne sont pas composés d’asexués, ni d’hermaphrodites, mais de femmes et d’hommes et même à l’intérieur de chacun de ces groupes, on constate pratiquement toujours que les femmes sont encore plus vulnérables que les hommes du même groupe, qu’elles ont des besoins et des contraintes différents de ceux des hommes ;
- parce que les rôles socialement construits nous enferment toutes et tous dans des stéréotypes, réduisant plus ou moins fortement nos possibilités de choisir, limitant ainsi notre épanouissement individuel et collectif – en revanche, oser déconstruire le socialement construit peut faciliter l’accès à cette liberté de choix qu’Amartya Sen assimile au développement ;
- parce qu’il est important de dépasser les lacunes des approches axées uniquement sur les femmes, que les hommes aussi doivent être préparés et accompagnées dans les évolutions vers plus d’égalité, dans la mutation de l’identité masculine vers moins de machisme, moins de prédominance de la virilité agressive – changements qui apportent aussi une chance pour eux ;
- parce que les projets marcheront mieux et auront plus de chances d’être viables si les femmes y jouent un rôle actif.
Quelle surprise alors d’entendre Isabelle Rauber d’Argentine lors d’une conférence à Amsterdam l’autre jour répondre à cette question tout autrement. Elle parlait en espagnol (avec traduction en anglais) devant une assistance entièrement conquise au genre (si, si, ça existe, même si c’est plus rare en milieu francophone…) et son exposé était renforcé par un Power Point en anglais. Elle parlait du genre dans les mouvements sociaux latino-américains et abordait tout d’un coup cette épineuse question du POURQUOI, en insistant que toute cette lutte n’était pas une fin en soi, mais… Changement de diapositif et la-voilà, cette réponse si inattendue et évidente à la fois, ces mots si simples et si étonnants sur un diapositif Power Point (utilisé aujourd’hui dans les sphères académiques si souvent pour éblouir l’auditorium avec le condensé de la science infuse…) : « To be happy » !
« Si », elle disait, « ¡ es muy importante ! ». Les luttes des femmes ont tellement été marquées par des souffrances, des pleurs et des renoncements qu’il ne faut pas oublier que notre but est avant tout d’être heureuses (et heureux) !
Moment émouvant dans une conférence à contenu par ailleurs souvent abstrait et conceptuel (que je partagerai davantage dans un prochain bulletin papier), la petite introspection individuelle gagnait les rangs, chacune et chacun (2 hommes pour une quarantaine de femmes, comme d’habitude…) se posant tout d’un coup la question : « c’est pour ça… ? ». Certaines riaient, d’autres avaient le regard fiché et restaient bouche-bé, encore d’autres avaient les yeux qui brillaient… d’une manière ou d’une autre tout le monde était touché.
Voilà de quoi vous inviter à une petite introspection à votre tour – ça ne fait pas mal, ça ne fait pas de mal, et ça nourrit pas mal la réflexion sur soi, le bonheur et le genre, je vous assure.
Gracias, Isabelle, et vive le bonheur !
Elisabeth Hofmann
(coordinatrice)
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